- DÉTERGENTS
- DÉTERGENTSUn détergent est une préparation se présentant sous forme de poudre, de liquide ou de pâte. Dissoute à des doses convenables dans l’eau, elle constitue un bain de nature à faciliter le nettoyage, par un moyen mécanique approprié, des surfaces solides, fibreuses, comme les textiles, ou continues, par exemple l’épiderme, la vaisselle, qui y sont plongées.Les premiers détergents fabriqués ont été les savons, dont l’emploi remonte au début de notre ère. Ce sont des sels d’acides gras – palmitique, stéarique, oléique... – de sodium, tel le savon de Marseille, ou de potassium, comme le savon noir, préparés par saponification de corps gras naturels. Entre les deux guerres commencèrent à apparaître sur les marchés allemand et américain des détergents synthétiques fabriqués à partir du benzène et d’hydrocarbures tirés du kérosène, les alkyl-benzène-sulfonates de sodium, ou à partir d’alcools gras, les alcools gras sulfatés. Pendant la Seconde Guerre mondiale, en raison de la pénurie de corps gras, cette tendance s’est accentuée. Mais ce n’est qu’à partir de 1945 que les détergents synthétiques connurent un développement considérable, gagnant chaque année du terrain sur les savons. En 1960, la production mondiale de ces derniers représentait le double de celle des détergents synthétiques; vingt ans plus tard, ce rapport était inversé.Les détergents synthétiques ont des avantages certains sur les savons, liés essentiellement à une plus grande efficacité et à une quasi-insensibilité à la dureté de l’eau de lavage. Cependant, employés pour la toilette, ils présentent l’inconvénient de trop dégraisser la peau, bien que ce point ait été très amélioré, mais cela au prix d’un effort dispendieux; c’est pourquoi on leur préfère les savons dans ce domaine d’applications.Le vocable «détergent» désigne une spécialité commerciale constituée de 10 à 20 p. 100 de matières de base synthétiques, qui lui confèrent l’essentiel de ses propriétés détergentes, le reste étant représenté par des charges et des adjuvants, apportant des propriétés complémentaires. Mais le terme détergent, ou plus exactement détergent synthétique, désigne aussi parfois la matière de base synthétique elle-même.Les constituantsLes matières de base sont classées dans la catégorie des corps chimiques appelés «agents de surface» ou «surfactants».Leurs molécules, dites amphiphiles, comprennent deux parties: l’une, de structure hydrocarbonée, lipophile, c’est-à-dire ayant de l’affinité pour les huiles, et hydrophobe; l’autre, hydrophile, leur apportant le caractère de solubilité dans l’eau, et présentant de l’affinité pour les surfaces polaires. Cette conformation conduit tout naturellement les agents de surface à se rassembler aux interfaces huile-eau, solide-eau, air-eau, lorsqu’ils sont en solution aqueuse, d’où leur nom. Comme ils ont également pour effet d’abaisser les tensions superficielles et interfaciales, ils sont aussi nommés «tensio-actifs». Il convient de noter qu’ils ne sont pas tous doués de propriétés détergentes. Quant aux savons, ils répondent aussi à la définition ci-dessus; ce sont des corps tensio-actifs naturels. Certaines de ces molécules s’ionisent en solution dans l’eau. Elles sont appelées «anioniques» ou «cationiques», selon que l’ion portant la chaîne hydrocarbonée est chargé négativement ou positivement. D’autres ne s’ionisent pas et sont dénommées «non ioniques».Parmi les matières anioniques, il faut citer en premier lieu les sulfonates préparés par sulfonation à l’oléum ou à l’anhydride sulfurique d’hydrocarbures de synthèse: les alkyl-benzènes. Le plus représentatif de ce groupe est le dodécyl-benzène-sulfonate de sodium, très employé comme matière de base. Ces substances, très actives sur le plan de la détergence, ont l’inconvénient de présenter une certaine agressivité envers la peau. C’est pourquoi on leur préfère les alcane-sulfonates ou les alcools gras sulfatés à chaînes droites. Les savons, carboxylates de sodium ou de potassium, se classent parmi les matières de base anioniques naturelles.Les éléments non ioniques sont surtout représentés par des molécules de synthèse, obtenues en fixant chimiquement un condensat d’oxydes d’éthylène (éthoxylation), qui apporte le caractère hydrophile, souvent sur une molécule d’alkyl-phénol à chaîne droite, mais aussi quelquefois sur une molécule d’alcool ou d’acide gras. Le fabricant peut jouer sur le nombre de motifs d’oxydes d’éthylène, qui est généralement de l’ordre de douze, parfois beaucoup plus élevé, pour régler le caractère hydrophile de la molécule. Ces matières de base ont un pouvoir détergent élevé, moussent peu, sont insensibles à la dureté de l’eau; leur agressivité vis-à-vis de la peau et des fibres délicates est modérée. Il est aussi possible, après avoir éthoxylé des alcools linéaires, de les sulfater. On obtient alors des éther-sulfates de sodium, de type anionique, aux propriétés tout à fait remarquables. Ils allient les qualités des anioniques à celles des non ioniques: pouvoir détergent et moussant très élevé, douceur pour la peau et les textiles entre autres.Le pouvoir détergent des cationiques, de production onéreuse, est faible. Ils ont en outre l’inconvénient de floculer avec les anioniques, ce qui en limite l’emploi. Ceux de la classe des ammoniums quaternaires, tel le chlorure d’hexadécyltriméthylammonium, aux propriétés antiseptiques, sont incorporés dans des détergents désinfectants, pour nettoyer des laiteries par exemple, ou dans des savons médicaux. En outre, du fait de leur fort pouvoir d’adsorption sur les fibres, ils sont utilisés comme additifs assouplissants, adoucissants et lustrants.Les adjuvants et charges ont pour fonction de diluer les matières de base, de renforcer leur action détergente et d’apporter au produit commercial des qualités complémentaires.Les phosphates, surtout le pyrophosphate de sodium ou de potassium, ont une action adoucissante sur l’eau tout en renforçant le pouvoir dispersant des agents de surface par effet de synergie. Les phosphates des détergents contenus dans les eaux d’égouts ainsi que ceux qui proviennent des engrais et des rejets industriels divers sont responsables de la prolifération exagérée d’algues dans les étangs, entraînant un appauvrissement de l’oxygène dissous et la disparition de la faune aquatique: c’est le phénomène d’eutrophisation. Dans certains pays, une législation limite leur emploi dans les détergents. Comme ces derniers ne sont pas seuls responsables de ce phénomène, un remède radical consisterait à déphosphater les eaux usées. D’autres adjuvants, les silicates, sous forme de métasilicates surtout, exercent une action anticorrosive sur le matériel de lavage. Quant au carbonate de sodium, il joue le rôle de charge alcaline permettant, à chaud, la saponification des graisses contenues dans les salissures et favorisant ainsi leur solubilisation sous forme de savons. Certains adjuvants ont un effet très spécifique. Tels sont les perborates, employés comme oxygénants, la carboxyméthylcellulose, agent antiredéposition, et les azurants, qui absorbent la lumière dans l’ultraviolet, la réémettent dans le bleu, renforçant ainsi l’apparence de blancheur des tissus. Dans cette même catégorie d’adjuvants, il faut citer les enzymes, catalyseurs biochimiques, capables de dégrader les souillures incrustées dans les tissus, telles les protéines des œufs et du lait, l’amidon des féculents, à une température voisine de 40 0C, facilitant leur décollement des supports. Enfin, les colorants et les parfums apportent un certain agrément aux utilisateurs.Propriétés des détergents synthétiquesLe pouvoir détergent est la résultante d’un ensemble d’actions de la part des agents de surface sur les salissures à éliminer. Celles-ci se présentent sous forme de particules comprenant, en proportions variables, des solides et des corps gras, le tout intimement aggloméré et adhérent au support à nettoyer. Les propriétés mises en jeu au cours du lavage sont les pouvoirs mouillant, moussant, dispersant et émulsionnant des agents tensio-actifs.Le mécanisme de la détergence, très complexe, peut se résumer comme suit: on assiste tout d’abord à un mouillage des supports et des salissures, ce phénomène étant particulièrement important au cours du lavage des tissus, qui sont, à ce stade, largement pénétrés par le bain; les agents de surface se déposent ensuite en couches monomoléculaires aux interfaces salissure-support-bain, leurs molécules s’orientant de sorte que les parties hydrophobes s’éloignent de la phase eau, donc qu’elles pénètrent dans la phase huileuse des salissures et qu’elles adhèrent au support. Les particules de salissure, entourées par les molécules d’agents de surface, s’arrondissent alors, réduisant ainsi considérablement leur surface de contact avec le support. Tous ces processus ont pour effet de fragiliser les liaisons salissure-support, si bien qu’une action modérée – battage manuel ou rotation dans le tambour d’un lave-linge – suffit à les rompre. Les particules de salissure se trouvent alors dispersées dans le bain d’une façon d’autant plus stable qu’elles sont généralement chargées négativement, du fait de la présence habituelle d’éléments tensio-actifs anioniques, et se repoussent donc mutuellement.En outre, aux doses d’emploi, les molécules d’agents de surface forment des micelles, agglomérats de vingt à quelques centaines de molécules, dont les parties hydrophobes sont disposées à l’intérieur. Ces micelles ont le pouvoir de solubiliser les graisses des salissures. Elles constituent aussi une réserve de détergent et se dissocient en molécules unitaires dès que la concentration en surfactant dans le bain devient trop faible.La biodégradabilité des détergents est une notion très importante. Il s’agit de la propriété qu’ont les agents de surface d’être dégradés par les micro-organismes, bactéries aérobies surtout, présents dans les milieux naturels, cours d’eau et étangs, où sont déversés les détergents. Cette dégradation s’opère par une oxydation, qui, débutant en bout de la chaîne hydrocarbonée, s’arrête à un branchement. Les chaînes ramifiées sont donc difficilement dégradées. Il en est de même des noyaux benzéniques. C’est pourquoi l’un des premiers alkyl-benzène-sulfonates mis sur le marché, le tétrapropyl-benzène-sulfonate de sodium, était mal biodégradé. Les rejets dans les cours d’eau ont alors provoqué leur pollution. Celle-ci s’est traduite par la mise en péril de la faune et par l’accumulation de mousse aux barrages, dans les appareils des stations de traitement des eaux usées, gênant le processus d’épuration. Vers 1960, les fabricants de détergents commencèrent donc à mettre sur le marché des molécules à chaînes droites, biodégradables à des taux voisins de 100 p. 100. D’une façon générale, les éléments anioniques à chaînes linéaires, couramment fabriqués, sont très biodégradables. En revanche, les non ioniques, surtout ceux qui comportent dans leurs molécules un noyau aromatique, comme le nonylphénol-polyéthoxylé, le sont moins.En France, la législation interdit la commercialisation d’un détergent dont la biodégradabilité est inférieure à 90 p. 100, mesurée selon la norme de l’Afnor.IndustrieL’industrie met sur le marché de nombreux produits dont la formulation dépend de leur usage et de leur prix. Ce sont des mélanges équilibrés de plusieurs matières de base et de charges, tendant à réaliser les performances désirées. Les alkyl-benzène-sulfonates de sodium ou de triéthanolamine, associés ou non à des molécules non ioniques, sont les matières de base auxquelles on fait le plus souvent appel pour la fabrication des lessives.Les poudres vendues dans le commerce sont constituées de particules légères, aérées, se présentant souvent sous forme de petites billes creuses, ce qui confère à la préparation une certaine fluidité et facilite sa solubilisation dans l’eau. La technique de fabrication fréquemment employée est celle du spray drying . Elle consiste à mélanger tous les constituants de la formule en les hydratant suffisamment pour obtenir une pâte fluide. Celle-ci est pulvérisée sous pression dans un courant d’air chaud, qui sèche les particules aussitôt formées.Les détergents liquides, surtout réservés au lavage manuel jusqu’à ces dernières années, sont de plus en plus commercialisés pour le lavage en machine et gagnent du terrain sur les poudres. De fabrication simple et économique, d’emploi pratique, faciles à diluer dans l’eau, ils permettent des présentations agréables, colorées et parfumées, très appréciées des ménagères.Le lavage à la main nécessite des détergents qui respectent l’épiderme. Ils contiennent donc des matières actives appropriées. Dans le même ordre d’idée, les produits destinés au lavage des tissus délicats, comme la laine et la soie, doivent exercer une action détergente douce sur les fibres textiles. Ils sont généralement moussants. Cette caractéristique est aussi nécessaire pour le lavage de la vaisselle, car la mousse emprisonne les particules graisseuses à éliminer et les empêche de se redéposer sur les objets propres lors du retrait du bain. Enfin, dans certaines préparations pour la toilette, tels les bains moussants ou les shampooings, cette propriété est tout particulièrement recherchée. Les détergents pour machines à tambour rotatif sont peu moussants, essentiellement pour éviter tout débordement intempestif.Le marché des détergents représente de grosses quantités. À titre d’exemple, en 1982, la production mondiale s’est élevée à 17,9 millions de tonnes, à comparer à 8,7 millions de tonnes pour les savons. Sa progression était relativement faible: 3,7 p. 100 entre 1980 et 1982.Il s’agit de produits de grande consommation. On trouve dans le commerce une gamme très diversifiée destinée à des applications multiples, parfois très spécifiques, comme certains produits de récurage, les shampooings pour moquettes, etc. Comme de nombreuses firmes se partagent un marché très encombré, la concurrence y est vive. C’est dire si le lancement d’une nouvelle spécialité doit être parfaitement défini pour connaître une chance de succès et doit s’appuyer sur une étude de marché très approfondie, faisant largement appel à des sondages et à des enquêtes auprès de la clientèle. Un grand renfort de publicité permettra ensuite de promouvoir le nouveau produit.
Encyclopédie Universelle. 2012.